FIN DU DÉCOUVERT BANCAIRE AUTOMATIQUE
FIN DU DÉCOUVERT BANCAIRE AUTOMATIQUE
I/ C’EST QUOI ?
Le découvert bancaire désigne une situation dans laquelle un compte courant présente un solde négatif, autorisé ou non, permettant au titulaire de continuer à effectuer des paiements malgré l’absence de fonds. Il se distingue de la facilité de caisse, qui est une autorisation ponctuelle et temporaire de dépassement, souvent limitée à quelques jours, généralement en fin de mois. Tandis que le découvert peut être tacite et durer plusieurs semaines, la facilité de caisse est contractualisée et encadrée dans le temps.
À partir du 20 novembre 2026, le découvert bancaire automatique disparaît en France. Il sera désormais assimilé à un crédit à la consommation, avec toutes les obligations que cela implique.
Source : Le Télégramme – Fin du découvert bancaire automatique : ce qui va changer en 2026
II/ CARACTÉRISTIQUES
*/ CONSTAT CHIFFRÉ
-/ Les banques profitaient d'une rente de situation: en 2023, le taux de découvert TAEG moyen sur les découverts non autorisés atteignait 19,5 %, soit près de trois fois le taux moyen d’un crédit à la consommation classique. Selon la FBF, les découverts ont généré 1,2 milliard d’euros de revenus en 2022.
-/ Les données disponibles montrent une progression du recours au découvert bancaire en France entre 2020 et 2022, particulièrement marquée chez les ouvriers et les personnes sans emploi. Voici les données chiffrées par catégorie socio-professionnelle (CSP) et les évolutions en points de %.
Il ressort que les ouvriers et les personnes sans emploi restent les plus exposés avec des taux de découvert dépassant les 30 %. Cette évolution traduit une fragilisation croissante des ménages modestes face aux aléas de trésorerie.
Sources : Observatoire de l’inclusion bancaire – Rapport 2022 (Banque de France) – Fédération bancaire française – Études et chiffres clés
*/ OBJECTIFS
-/ Protection du consommateur et prévention du surendettement : c'est l'objectif majeur. En soumettant tous les découverts aux règles du crédit à la consommation, l'idée est de mieux encadrer l'accès à ce type de financement.
-/ Évaluation rigoureuse de la solvabilité : Les banques devront réaliser une étude de solvabilité (analyse des revenus, dépenses, consultation du Fichier des Incidents de Remboursement des Crédits aux Particuliers, etc.) pour toute nouvelle autorisation de découvert, quel que soit le montant (bien que cette analyse puisse être proportionnée au montant et à la durée).
-/ Transparence accrue : Les banques devront fournir au client une information plus claire et détaillée sur les coûts, le Taux Annuel Effectif Global (TAEG) et les conditions de remboursement, comme pour un prêt personnel.
-/ Harmonisation Européenne : La nouvelle réglementation vise à harmoniser la protection des consommateurs au niveau de l'Union Européenne, notamment dans les pays où le cadre était moins strict qu'en France.
*/ CAUSES DE LA RÉFORME
AU PLAN RÉGLEMENTAIRE:
-/ le changement de la réglementation sur le découvert bancaires découle d'une directive européenne sur le crédit à la consommation laquelle est transposée dans le droit français. Il s'agit de la directive (UE) 2023/2225 du 18 octobre 2023.
-/ La directive entrera en application à partir du 20 novembre 2026, date à laquelle les États membres devront avoir achevé leur transposition nationale. En France, cette transposition a été autorisée par l’article 2 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025.
-/ La directive UE abroge la directive 2008/48/CE et constitue le nouveau cadre juridique applicable aux contrats de crédit aux consommateurs dans l’Union européenne. Elle vise à renforcer la protection des emprunteurs, notamment en intégrant les nouvelles pratiques de crédit numérique, les paiements fractionnés et les découverts bancaires dans le champ du crédit à la consommation.
AU PLAN ÉCONOMIQUE:
-/ Il persiste un déséquilibre structurel entre revenus et dépenses courantes. Selon l’INSEE, le revenu disponible brut des ménages a progressé de seulement +1,2 % en moyenne annuelle entre 2019 et 2023, tandis que l’inflation cumulée sur la même période a dépassé 14 %. Ce décrochage a particulièrement affecté les bas salaires, dont le pouvoir d’achat réel a reculé de 3,8 % entre 2021 et 2023.
-/ Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), bien qu’indexé sur l’inflation, ne compense pas les hausses de dépenses contraintes : loyers, énergie, alimentation. En 2024, un salarié au SMIC consacrait en moyenne 62 % de son revenu net aux dépenses fixes, contre 54 % en 2018. Ce resserrement budgétaire pousse les ménages à utiliser le découvert comme un outil de lissage de trésorerie.
-/ La stagnation des salaires dans les secteurs à faible valeur ajoutée (restauration, services à la personne, commerce de détail) aggrave le phénomène.
-/ En parallèle, la précarisation de l’emploi – avec la montée des contrats courts et du temps partiel subi – réduit la régularité des revenus, rendant les fins de mois plus incertaines.
AU PLAN SOCIAL ET TERRITORIAL:
Le recours au découvert est aussi lié à des facteurs sociaux et comportementaux.
-/ on assiste à une normalisation du découvert comme pratique bancaire assimilable à un brouillage cognitif– souvent encouragée tacitement par les établissements – ce qui contribue à en faire un outil banal, voire invisible. Une étude de l’Observatoire de l’inclusion bancaire (2022) montre que 41 % des clients en situation de découvert ne considèrent pas cela comme un crédit, mais comme une simple avance.
-/ Les citoyens disposent d’une faible culture financière : selon la Banque de France, 38 % des Français ne savent pas calculer un taux d’intérêt simple. Cette méconnaissance des mécanismes bancaires favorise l’accumulation de frais sans anticipation.
-/ les inégalités territoriales jouent un rôle : les zones rurales et les quartiers populaires présentent des taux de découvert supérieurs à la moyenne nationale, en raison d’un accès plus limité aux services bancaires alternatifs (microcrédit, conseil budgétaire).
*/ CONSÉQUENCES
Au plan administratif bancaire:
-/ les banques rencontreront des contraintes opérationnelles : elles devront mettre en place des procédures plus lourdes et coûteuses pour l'étude de solvabilité et la fourniture d'informations, même pour les petits découverts de courte durée (bien que les obligations puissent être allégées par le principe de proportionnalité. Ces opérations sont de nature à être facturées.
-/ Instauration d'un risque de report : pour éviter cette lourdeur administrative, les banques pourraient être tentées de réduire les autorisations de découvert ou de les remplacer par d'autres formes de financement plus souples, mais potentiellement plus coûteuses ou moins claires pour le client.
Pour les ménages:
-/ effet positif 1: la requalification du découvert en crédit à la consommation générera une meilleure transparence pour les consommateurs et vise à éviter des frais bancaires abusifs.
-/ Effet positif 2: la réforme est de nature à redéfinir la responsabilité des banques dans l’accompagnement de leurs clients par le passage d’une simple logique contractuelle à un devoir de conseil renforcé envers les ménages.
-/ Effet négatif 1: ce nouveau crédit à la consommation se traduira par une ponction silencieuse sur le revenu disponible. Un client à découvert 10 jours par mois paie en moyenne 120 € de frais annuels, soit l’équivalent d’un demi-mois de facture énergétique.
-/ Effet négatif 3: il se pose le problème de l’inclusion financière: certains consommateurs fragiles exclus du découverts pourraient se tourner vers des prêts entre particuliers, voire le microcrédit informel.
-/ Effet négatif 4: la stigmatisation du découvert comme « crédit » pourrait modifier les comportements : certains clients pourraient renoncer à des dépenses essentielles (santé, alimentation) pour éviter d’entrer dans une logique d’endettement formel.
Sources causes et conséquences : Texte intégral de la directive (UE) 2023/2225 : EUR-Lex – Journal officiel de l’Union européenne A - Analyse de la transposition en droit français : Éditions Francis Lefebvre – Transposition de la directive UE 2023 B - Commentaire juridique : Deloitte Avocats – Nouvelle directive européenne sur les crédits aux consommateurs C - Banque de France – Observatoire de l’inclusion bancaire 2022 – INSEE – Revenus et pouvoir d’achat des ménages – Fédération bancaire française – Chiffres clés 2023 - https://www.moneyvox.fr/
CONCLUSION
La fin du découvert bancaire automatique marque un tournant dans la régulation du crédit de trésorerie. En assimilant ce mécanisme à un crédit à la consommation, le législateur entend protéger les usagers contre les abus et renforcer la transparence. Mais cette réforme, bien que salutaire sur le plan théorique, devra être accompagnée de dispositifs d’inclusion bancaire pour éviter une marginalisation accrue des publics fragiles.
PAR BENZ PROTOCOL


